Delphinéa dans le vent des CaraÎbes
vers cienfuegos 1
Vers Cienfuegos
Dés que nous sommes en mer, nous installons une ligne, car il faut penser à se nourrir. En fin de matinée « zzziiiiii ». Activation sur le pont. Edith armée d’un appareil photo sur le pont arrière, Michel d’une gaffe à poisson sur la plage arrière et bibi au moulinet. Une belle dorade qui s’entraine au saut carpé au bout de la ligne. Après une demi-heure, d’efforts, la dorade est tout près de la jupe arrière, Michel essaye de la crocheter avec sa gaffe, une vague un peu plus grosse que les autres emmène la dorade sur la plage arrière et Michel tente une clé d’immobilisation. La dorade contre, surpasse la prise et décroche l’hameçon, qu’elle avait dans la gueule, pour le planter dans le mollet droit de Michel. La dorade se libère, un grand sourire aux lèvres, au bout de la ligne je n’ai plus que Michel qui remonte sur le pont arrière. L’infirmière de service vient avec tout le matériel nécessaire, il faut opérer. Scalpel, coton hydrophile, alcool à 90°. Michel s’entaille lui-même un morceau de chair, car il faut faire passer l’ergot de l’hameçon. Il souffre, il a du cran, mais il se sent très soutenu par le reste de l’équipage. L’opération est terminée il a abondamment saigné mais il est encore bien gaillard. Un ti-punch s’avère nécessaire afin de lui remettre les idées en place. Il est bien évident que nous ne pouvons décemment pas le laisser boire cette médication seul. Nous nous devons de nous soutenir dans ces situations délicates, n’est ce pas.
A midi, pas de poisson, ce sera des restes du cochon de Pedro. L’après-midi démarre naturellement par une sieste. Michel ne souffre pas. Normal après cinq ti-punch, il voit la vie en rose. Après quelques heures « zzzziiiiiiii ». A nouveau tout le monde sur le pont. Michel ne tient pas trop à participer à la manœuvre, nous ne comprenons pas trop pourquoi, mais il est libre. La canne prend un air franchement courbe, difficile de bloquer le moulinet, ce doit être un gros quelque chose. Il nous a bien pris deux cents mètres de fil. Tout ça il faut le remonter maintenant, et avec lui au bout. Il ne se débat pas, pas de sauts hors de l’eau, au contraire, il semble plonger profond. Profond ? Nous avons dix mètres à la sonde.
Après un long moment d’effort, il ne reste plus qu’une trentaine de mètres à remonter et nous ne voyons toujours pas qui veut nous causer au bout de la ligne. Soudain la canne plie à 90° et tout doucement le fil devient tout mou, la canne se redresse, le poisson est parti emmenant le leurre, le bas de ligne, l’émerillon, nous laissant tout penauds avec notre morceau de fil nylon dont le bout est tout vrillé. Dans cet épisode nous avons certes perdu un beau poisson, par mon incompétence, car j’aurais sans doute dû, très vite lui donner du fil plutôt que de rester le moulinet bloqué, mais ce que nous regrettons, c’est de ne pas savoir quel poisson c’était et surtout nous avons perdu un leurre qui marche vraiment bien. Plongeant quelque soit la vitesse du bateau, articulé, blanc avec le nez rouge.
Nous le remplaçons immédiatement par un autre, plongeant aussi, mais nous allons trop vite et il fait des bons au bout de ses deux cents mètres de fil. Nous le remplaçons par un leurre de surface. Après une heure ou deux « zzzziiiiiiii », la canne est bien pliée, presque la totalité du fil est dévidé, soit six cents mètres. Tout ça est à remonter et avec du poids au bout. Alors à la manœuvre. Et voilà que je te tourne le moulinet. On se relaie, c’est lourd. Aller, plus que trois cents mètres. Rien ne bouge au bout. A cent mètres nous commençons à apercevoir quelque chose qui reste en surface, sa ns pouvoir bien l’identifier. Plus on l’approche du bateau, plus c’est léger. Finalement nous identifions clairement des algues. Ce soir nous mangerons de la salade.
Tous ces évènements nous ont fait perdre un temps précieux et nous arrivons de nuit à notre mouillage, Cayos Manzanillo. Heureusement il est simple. Mouillage prudent par huit mètres de fond, avec l’aide d’un projecteur. L’eau paraît trouble, pas très engageant. Diner, encore des restes du cochon et dodo. Michel n’a toujours pas mal à son mollet. Le matin, nous avions préparé tous les outils nécessaires à l’amputation, scie égoïne, disqueuse, aiguilles à recoudre les voiles, fil à voile, pansements, alcool mais il se réveille frais et dispo à la surprise générale. Il gardera donc sa jambe intacte. Pour lui cet incident ne fait plus partie que des anecdotes. Nous levons l’ancre et comprenons pourquoi l’eau est trouble, le fond est boueux.
Et c’est reparti pour une petite étape de trente miles à Cayo Rabihorcado que nous atteignons en milieu d’après-midi. Là c’est un peu différent. Une eau bleue limpide, où les nuances de couleur et de ton se jouent de ton œil. Sur la côte, une plage de sable presque blanc, puis la mangrove. Nous mouillons par cinq mètres de fond. Attiré par ce petit coin de paradis, nous mettons l’annexe à l’eau et filons sur la côte. Nous traversons de l’eau bleue, noire, verte, émeraude, jaune ou presque. Une eau où à peine un faible clapot est présent. En arrivant sur le sable, Michel aperçoit dans vingt centimètres d’eau une petite raie. Il arme son fusil sous marin et tente de la tirer depuis la surface. Il a dû s’y reprendre par trois fois. Finalement il revient tout fier avec sa raie au bout de la flèche. Attention à son aiguillon. Nous nous équipons de masques, palmes et tuba et hop dans l’eau. Chaude, peu profonde, cinquante centimètres à un mètre, claire, mais pratiquement rien à voir, que du sable. Si, chacun a ramassé son étoile de mer.
Au loin nous apercevons un bateau, il s’approche, on dirait la canonnière du Yang-Tsé. Il s’approche de Delphinéa, nous sommes inquiets et nous préparons à remettre l’annexe à l’eau pour rejoindre dare-dare notre bord et protéger notre frêle esquif. Mais la canonnière passe son chemin. Nous allons nous promener en annexe et entrons dans un lagon superbe bordé de mangrove. L’entrée est étroite, et bordée d’arbustes ayant les pieds dans l’eau. Le soleil est couchant, la lumière est chaude et rasante. Tous les arbustes autour du lagon ont les pieds dans l’eau. Aucune ride, aucune âme, juste la vie sauvage. Le soleil est très rasant, il est temps de rentrer pendant qu’on voit encore le bateau.
Le soir petit frichtis pour caler un petit creux. Dodo. La jambe de Michel n’est plus qu’un vague souvenir. Le lendemain matin la canonnière est ancrée à une encablure de Delphinéa. Il s’agit d’un bateau de pêche. Il se trouve que j’ai, pour une raison que j’ignore encore, très mal au dos et j’arque difficilement. Alors Edith et Michel vont seuls saluer les pêcheurs et leur amènent quelques bricoles dont nous avons l’habitude. Cinq marins, des vrais, à bord. Andres le capitaine, Joachim, Carlos, El Cocino, El Viejo. C’est ainsi qu’ils se présentent. Petite discussion classique, d’où venez-vous ? Où allez-vous ? Et vous, qu’est-ce que vous pêchez ? Vous avez beaucoup de poissons ? C’est curieux, pendant la discussion El Cocino n’est pas là. Au bout d’un moment il revient avec deux assiettes garnies, une darne de poisson, du riz et des patates douces, le tout présenté aussi, voir plus que dans certains, élégamment que dans un resto. Succulent. Ils ont le cœur sur la main ces gens là. Ils aiment les plaisanciers, saluent les étrangers, respectent les marins. Au moment de quitter leur bord El Cocino donne à Edith une assiette, car moi je n’ai rien reçu. Etonnant non. Alors je confirme c’est succulent. Il est dix heures du matin, mais c’est tellement bon que ça fait plaisir de manger. Nous retournons à leur bord pour rendre l’assiette, je me joins à mes petits camarades et monte à bord de la canonnière. Elle est en ferrociment !! Carlos et El Viejo radoubent un filet qu’un gros poisson a déchiré en voulant s’approprié ceux faits prisonniers, probablement un requin. Une perte et du travail pour eux.
Nous quittons leur bord, pour aller sur la plage. Quelques ronds dans l’eau pour nous rafraîchir, enfin si on peut dire car l’eau doit être à près de trente degré. Toujours cette harmonie de couleurs où chacune vit sa vie et toutes ensembles elles offrent à nos yeux un spectacle de gaîté simple, pure. Nous partons faire un tour sur l’île. Pas une seule trace de pas. Nous ne pouvons pas pénétrer la mangrove, un peu d’espace nous permet d’avancer le long de la mer où nos yeux ne cessent de s’émerveiller de ce jeu de couleurs. Au sol nous voyons des traces curieuses, nous les attribuons à des iguanes. Nous n’en verrons pas un seul. Au détour d’un bosquet, quelques oiseaux verdâtres, fins, au ventre jaune. Probablement une sorte de serein.
Nous regagnons notre bord, la canonnière rentre à la nuit tombante et mouille un peu plus près de Delphinéa que la première fois. Michel part en annexe les chercher pour leur proposer un apéro à la française. Ils arrivent avec trois superbes poissons. Ils appellent cela des « sierra ». Nous ne savons pas les identifier, ils ressemblent au tasard, mais ce n’en est pas. Nous ne parlons pas espagnol. Si jamais Jean-Claude l’Argentin lit ceci, sans doute saura-t-il répondre ? Car je suppose que tu parles couramment cette langue étrange, mon bon Jicé. A moins que Ma petite Marie-Jo à Toulouse, … Ils sont curieux de tout, regardent partout, surtout les équipements. Nous leur montrons notre logiciel de cartographie connecté au GPS, ils sont sidérés de voir leurs côtes avec autant de détails.
L’apéro, pastis ils ne connaissent pas, ils goutent, ils aiment. C’est beau la France. On parle de tout de la France, de Cuba. Le courant passe encore bien. Quelques photos que nous leur enverrons. Nous avons pris les adresses. Le lendemain matin nous partons à l’aube vers le mouillage derrière Cayo Grenada. Aucun intérêt dit mon bouquin, mais c’est juste une étape avant un passage particulièrement délicat entre des cailloux que la nature a disséminés un peu partout sur la route que nous voulons prendre pour la suite. Alors nous préférons y passer de jour.
Donc nous empruntons ce passage, nous le rendrons après l’avoir traversé. Il est correctement balisé, tout va bien. Il est parfaitement inutile de mettre la ligne de traîne, nous avons suffisamment de poissons, grâce aux pêcheurs, aux vrais. Nous arrivons en fin d’après midi à Cayo Algodon. Le mouillage est dans une sorte de lagon, l’entrée, n’est pas très claire, on peut même dire délicate. La sonde marque deux mètres, ce n’est pas beaucoup, nous sommes à toute petite vitesse, nous cherchons là où il y a du fond. Enfin nous trouvons la zone des quatre mètres. Alors tout va bien. Nous pouvons entrer. Le lagon est bordé de toute part par la mangrove. Au fond du lagon nous apercevons une barque de pêcheurs remplie de filets. A peine sommes-nous ancrés, par quatre mètre de fond, que les pêcheurs lèvent l’ancre pour aller poser leur filet. Un kilomètre de filet. Quelques photos au passage, des pêcheurs, du ciel rougeoyant. Ils ont fait un demi-cercle autour de nous. La nuit tombe, les pêcheurs retournent à leur mouillage, ils passent près de nous, buenos dias, quelques banalités, puis nous leur proposons de monter à bord. Notre intention était de leur faire goûter l’apéritif le plus français qui soit, vous avez tous devinez, le pastis. Mais pas d’alcool, alors café.
Et on commence à discuter. Les pêcheurs, Mojel le capitaine, et Juan son aide, un retraité, ami de longue date, c’est lui qui lui a appris la pêche. Tu veux voir ? Michel monte à son bord, ils reviennent avec trois langoustes et une tortue. Quando ? Mais rien du tout voyons, vous êtes les bien venus à Cuba. Nous ne savons pas trop quoi faire pour les remercier, nous trouvons quelques bricoles habituelles, vêtements savons, stylo bille. La nuit est tombée, nous dinons ensemble à notre bord. Nous préparons des pâtes à la carbonara, car nous pensons qu’ils doivent avoir un peu mare du poisson. Des liens commencent encore à se tisser. Le soir chacun dort dans son bateau. A cinq heures Mojel et Juan vont relever leur filet. Ils reviennent s’amarrer à Delphinéa, montent à bord avec deux sierras et un qui ressemble au vivaneau. Nous refusons fermement les deux sierras car cela va se perdre. Toujours pas question d’argent. Amigo qu’ils disent. Nous prenons un petit dej tous ensemble, nous commençons à nous connaître un peu, à nous apprécier. Mojel nous raconte, qu’il y a quelques jours des Anglais sont venus mouiller là. Ils ont été leur proposer du poisson et de la langouste, les Anglais n’ont pas voulu, les ont jetés assez brutalement, ils n’aiment pas les Anglais et préfèrent les Français beaucoup plus conviviaux et pas fiers.
vers cienfuegos 2
Dans la matinée, nous les emmenons avec l’annexe à terre, ils nous guident, ce n’est pas si évident que cela, car nous devons suivre un grand bras étroit, Juan nous dit où passer, pas beaucoup d’eau. Il connaît cet endroit comme sa poche. Au bout du bras nous laissons l’annexe et partons avec eux explorer le coin. D’abord un ancien hôtel dont il ne reste que quelques morceaux de murs. Michel part avec Mojel, Edith et moi avec Juan. Nous avançons au milieu de buissons, sur du sable. Parfois Juan se penche pour regarder dessous, soudain il nous fait signe de stopper et chut. Il nous montre un iguane, absolument immobile, photos. Il n’est pas bien gros, une trentaine de centimètres, mais c’est la première fois que nous en voyons un dans ces conditions. Nous continuons à en chercher d’autres, nous repérons assez vite les trous dans lesquels ils se terrent. Nous en voyons d’autres, plus gros, plus petits. C’est toujours Juan qui les voit en premier. Il a l’œil. Après deux heures de marche, nous retournons vers l’hôtel délabré. Mojel nous apprend que ce fût un repaire de trafic de drogue. Juan ramasse quelques fruits secs tombés d’un arbre, nous les ouvre, le goût ressemble à l’amande. Il nous apprend à les ouvrir, nous donne tous ceux qu’il ouvre lui-même, Mojel en fait autant. Avant de partir Juan grimpe dans un cocotier pour nous cueillir trois noix de coco. Il a 62 ans le bougre. Ils sont d’une gentillesse indescriptible. Ces gens là n’ont rien, mais ils aiment tellement donner qu’ils donnent ce qu’ils trouvent. J’avais oublié de dire que la barque de Mojel est à lui, il en est fier, ce n’est pas une barque de l’état. Son poisson il le vend. Enfin habituellement. A nous pas.
Retour à bord. Nous mangeons ensemble, devinez quoi, des langoustes préparées par Juan, à la cubaine. Mojel nous dit qu’il n’en mangera pas, car il est allergique. Problème nous voudrions bien lui faire plaisir, quelque chose de bien français, mais c’est que nous n’avons plus grand-chose à bord à part du riz et des pâtes. Edith a une idée, une choucroute, en boîte certes. Nous lui en préparons une. Juan bien sûr veut goûter aussi. Les liens sont de plus en plus serrés. L’après midi est déjà bien entamé, Nous allons faire un tour sur leur barque, Mojel est fier de nous montrer son moteur. Moteur russe, 25 chevaux, deux cylindres, démarrage avec une courroie au quart de tour. Mais consommation de cinq litres à l’heure, c’est beaucoup. Nous regagnons notre bord, ils vont bientôt repartir poser leur filet. Impossible de les quitter sans quelques langoustes qu’ils ont pêchées le matin même.
Les voilà repartis poser leur filet. Cette fois-ci, ce sera de l’autre côté du lagon. Ils mouilleront et dormiront sur place. Nous leur avons dit vouloir partir le matin vers huit heures. Nous allons au dodo sans manger, tellement l’estomac est encore plein de langouste du midi. A sept heures et demie le matin nous entendons le deux cylindres au loin, Mojel et Juan sont de retour. Ils ont pris un bac et demi de sierras, ce n’est pas une pêche extraordinaire, deux petits requins, l’un ressemblant à notre roussette et l’autre un tout petit marteau, et ….. deux grosses langoustes qu’ils exhibent avec fierté. Petit déjeuner ensembles, ce sera le dernier. Nous leur demandons ce qui leur ferait plaisir de recevoir de France, une fois que nous serons arrivés. Des pièces détachées pour le moteur de leur bateau. Mojel donne les explications à Michel, et nous comprenons qu’il sera capable d’adapter des pièces qui ne seraient pas prévues pour ce fameux moteur russe. Alors je vais chercher dans mes réserves, et je leur sort une pompe à gasoil usagée, un injecteur duquel s’est dessertie la sortie de gasoil non brûlé. Ces pièces là, je les avais en réserve, mais je sais pertinemment que jamais je ne les utiliserais. Une bougie de préchauffage. Tous ces matériels sont de chez Lombardini, il se fait fort de les adapter, il a l’habitude. Encore quelques bricoles que je trouve parmi les vis et autres boulons. Savez-vous ce qu’il me demande ? Combien ça coûte tout ça ? La joie s’est lue sur leur visage. La pompe à gasoil sera pour son papa, le moteur de son bateau ne pouvant plus fonctionner car pas de pompe.
C’est le moment de partir. Des adieux touchants, des yeux humides sincères. Mojel me fait promettre de revenir le voir, même en avion, il aura toujours de la place pour nous dans sa maison. J’ai dit que oui, mais je crains fort de ne pas le faire. J’en aurais pourtant envie, Edith aussi. Mais qui sait. Seules les montagnes ne peuvent pas se déplacer.
Une réflexion me vient brutalement à l’esprit. Nous avons fait beaucoup de rencontres en peu de temps, chaque fois, après très peu de temps le courant est passé, chaque fois peu de temps après nous avons dû partir et quitter des gens que nous ne reverrons peut-être jamais, mais leur chaleur restera gravée dans nos esprits et je crois, non je suis sûr, que l’inverse est également vrai. Comment se fait-il qu’en quelques jours, quelques heures parfois, on puisse s’attacher aussi fort ?
Les pêcheurs repartent, notre manœuvre est plus complexe, il nous faudra un peu plus de temps. La sortie du lagon est aussi délicate que l’entrée. Nous sommes maintenant en mer, sous voiles, inutile de mettre la ligne, nous avons de quoi manger pendant au moins trois jours. Au près serré à 45/50 degrés du vent, nous n’aimons pas cela, mais nous filons six à sept nœuds. Nous sommes dans les jardins de la reine, il faut en sortir, pour rejoindre directement Cienfuegos. Une passe à prendre avec cinq mètres d’eau, la prudence est de rigueur. Ici les cartes ne sont pas d’une fiabilité extraordinaire, et nous naviguons beaucoup avec le sondeur.
La passe est derrière nous, les dangers aussi, il est une heure passée, nous pensons à manger. Saturés de langouste, nous attaquons la tortue. Des tranches poêlées, comme une viande blanche, puis crème fraîche et champignons. La viande de tortue ressemble un peu au veau, c’est plus ferme, mais plus fin. Maintenant nous sommes franchement en mer, et cap sur Cienfuegos où nous devons organiser l’accueil de Christiane et de Marie-Denise. Ce soir au menu, vivaneau à la mode du Pyrhée. Tu te souviens Jean-Claude, lorsque nous étions en Grèce ? Ce sera moi à la cuisine pour une fois.
cienfuegos
intérieur d'une belle maison privée |
Cienfuegos
Nous arrivons par un chenal parfaitement balisé et entretenu qui donne dans la grande baie de Cienfuegos. Nous sommes bien évidemment au moteur. Frayeur, le moteur cale, apparemment panne sèche, on remplit le réservoir dare-dare avec un bidon de vingt litres, le vent nous pousse vers les hauts fonds, nous n’avons plus que sept mètres d’eau sous la coque. L’opération est terminée, Babar redémarre, mais a tendance à s’étouffer. Enfin il repart et tourne rond.
Nous arrivons à la marina, une place est libre, nous la prenons, le « harbour master » nous fait déménager, sans problème, nous nous exécutons immédiatement, il est content. La douane monte à bord, tout est en règle, simple formalité. Nous passons la soirée à bord, et mangeons une langouste grillée.
Le lendemain, nous allons en ville. De suite nous remarquons que Cienfuegos n’est pas Santiago. Ici tout est en état, propre, les voitures sont modernes et récentes. Bien sûr il y en a quelques unes pétaradantes comme à Santiago, mais c’est vraiment marginal. On sent que la vie y est plus facile, plus riche, ou moins pauvre plutôt. Nous sommes sans cesse alpagués par des taxis, en voiture, à cheval ou en vélo. Nous préférons marcher. Nous cherchons pour Michel la station de bus car demain il ira à la Havane pour organiser l’arrivée de Christiane et Marie-Denise. Quatre heures de bus. Cienfuegos est une ville datant du 19ème siècle construite à l’américaine. Toutes les rues sont perpendiculaires où deux parallèles sont espacées de 100 mètres. Aucun nom de rue, toutes sont numérotées. Aucune poésie. Mais nous reconnaissons que c’est plus efficace. Michel a réservé sa place dans le bus de demain matin.
Second objectif, nous cherchons une banque pour faire du change. Devant la banque nous parlons entre nous, Gabriel, un cubain de 65 ans, entend parler le français, et tout content vient nous voir, se présenter, parler. Très heureux de pouvoir s’exprimer dans notre langue. En fait il cherche à apprendre le français. Ses seules sources sont un dico espagnol-français du routard et un CD style méthode assimil. Il nous demande de corriger ses fautes quand il parle. Il nous guide pour les dernières bricoles que nous avons à faire. Nous nous donnons rendez-vous pour le lendemain samedi et lui promettons de lui amener quelques livres en français, ce sera sans Michel qui part pour La Havane.
Nous retrouvons notre Gabriel, il nous fait visiter Cienfuegos, la cathédrale, le théâtre, l’hôtel de ville, nous emmène au marché pour quelques courses. Nous prenons un petit pot sur une terrasse ombragée, un groupe de musiciens vient faire la chansonnette, Gabriel danse avec Edith puis Christiane. Toujours alerte le bougre. Il insiste pour nous faire visiter sa maison. Une maison terne, avec une demie porte qui fonctionne encore. On entre dans la cuisine, sol en terre battue, vétuste, petite, non très petite, deux chambres sans confort, un salon agréable dans lequel se trouve une télé. Et quatre beaux fauteuils anciens en bois. Nous restons bien une heure à discuter, à lui améliorer son français. Finalement il nous raccompagne jusqu’au bateau. Nous passons les postes de garde, personne ne dit rien, il monte à bord, alors intervient le responsable du port qui lui rappelle qu’il n’a pas le droit de monter à bord. C’est formellement interdit. Gabriel n’est pas très à l’aise, ce genre d’entorse est normalement puni de prison !! Deux canettes de bières pour le mec feront l’affaire. Gabriel, n’ira pas en prison, il a eu vraiment la trouille. Le soir, Edith et moi, en tête à tête, nous mangerons encore de la langouste. Que c’est dur la vie de plaisancier.
Nous faisons connaissance de Raphael et Eliane. Ils sont ici depuis deux mois, ils sont français de catalogne, ils connaissent tout le monde, ils parlent espagnol, c’est vrai, ça aide. Ils nous aident, nous les aidons, tiens on dirait une conjugaison, c’est souvent comme cela à bord des bateaux, surtout quand le courant passe bien. Puis c’est au tour de Firmin et d’Annie, des basques Français. Le courant passe encore. Raphael, un soir organise un petit pince-fesses « entre Francophones ». Rapidement deux clans se forment. D’un côté ceux qui ont tout vu, tout fait, pour qui la mer n’a plus de secret, qui dominent la mer. Et d’un autre ceux qui voyagent et s’adaptent comme ils peuvent aux pays visités, à la météo, à la mer, et qui ont encore à apprendre de la mer, du bateau. Inutile de dire dans quel camp nous avons retrouvé Raphael et Firmin, ce sont des gens comme nous.
Nous recevons un SMS de Christiane nous disant qu’ils arrivent demain soir. Nous partons le matin pour quelques courses supplémentaires, nous nous souvenons que c’est l’anniversaire de Michel. Le ciel se couvre petit à petit de nuages, en fin de matinée quelques goutes. Merde, nous avons oublié de fermer les hublots. Et il commence à pleuvoir franchement, nous sommes trempés, il tombe des cordes. Une idée commence à se fixer dans nos petites têtes, les hublots sont ouverts. Nous ne pouvons pas rentrés car nous attendons notre linge en train de tourner dans un sèche-linge. La laverie prend l’eau qui dégouline par un néon !! Je ne sais pas combien de temps l’électricité fonctionnera dans la laverie. La pluie s’est calmée, l’électricité fonctionne encore, c’est vraiment un miracle. Un bus nous permet de rentrer.
Nous trouvons le bateau complètement inondé, matelas trempé, banquettes trempées et Michel et les filles arrivent dans deux heures …… Nous nous débrouillons comme nous pouvons. La pluie redouble, non triple ou quadruple. Jamais je n’ai vu autant d’eau tomber aussi vite. Deux hublots se mettent à fuir.
A la nuit tombante, voilà qu’arrivent nos amis, trempés. Leur bus avait un peu de retard à cause des pluies intenses qui ont inondé aussi bien la campagne que la ville de Cienfuegos. Michel et ses deux filles marchaient en ville dans presque un mètre d’eau !!! Inutile de dire dans quel état ils sont. Enfin, en voyage se sont des incidents qui peuvent arriver.
Commentaires textes : Écrire
Santa Clara
dans la rue |
Santa Clara
Nous partons tous les cinq faire un petit périple à l’intérieur. D’abord Santa Clara. Nous avons loué les services d’une voiture particulière, une vieille américaine, en bon état. Diego, le chauffeur surveillait partout la présence de la police. Ah oui, j’ai oublié de dire que ceci est formellement interdit. Le propriétaire de la bagnole risque gros. A chaque fois qu’il croise certaines voitures, un petit signe codé leur permet de savoir que le chemin est libre. Drôle de pays quand même.
Arrivés sur place, nous cherchons de suite de quoi loger et trouvons une « casa particulares ». Santa Clara, une petite ville mignonne, témoignant d’un passé bien plus prestigieux. C’est la ville où Batista admit sa défaite face aux révolutionnaires. Alors les cubains ont fait un mausolée à la mémoire du Tché. Il y est déifié, adulé, vénéré vraiment à l’excès. Une statue de dix mètres de haut le représente en tenue de combat. Partout des affiches, des peintures sur les murs le représentant.
Commentaires textes : Écrire
Trinidad
Une rue typique |
Trinidad
Après une nuit, nous repartons pour Trinidad. Là, c’est bien différent. Une ville historique. Des rues pavées, les pavés sont très anciens, inégaux, très espacés, difficile de marcher sans se tordre les chevilles. De toute la ville ressort, si nous faisons abstraction des touristes, l’atmosphère d’un passé pas si lointain, en tout cas bien plus riche. Mais …. une usine à touristes. Sans cesse nous sommes abordés pour acheter quelque chose, pour nous persuader d’aller manger dans un « restaurant particular » (ce qui veut dire non officiel), pour nous proposer une chambre dans une « casa particulares », ou tout simplement ils font la manche. Nous y sommes restés deux jours et demi, à flâner dans les rues, à visiter un musée, une demeure ancienne, la cathédrale. Les rues sont bordées de maisons basses et colorées, mal, non pas, entretenues, mais agréables tout de même. Les fenêtres sont protégées par des barreaux épais derrière lesquels les habitants regardent la rue, discutent avec les passants qu’ils reconnaissent. Un soir nous nous laissons persuader par un rabatteur pour aller diner chez sa sœur qui fait « restaurant ». Ce n’est pas bon, nous le disons, aucune réaction.
Souvent nous voyons un cavalier à fier allure sur son cheval. C’est son moyen de transport naturel, il n’a pas de voiture.
Nous avons fait quelques rencontres :
- Rafael un paysan de 65 ans qui était coupeur de canne à sucre et maintenant retraité. Il vivote en cultivant des mangues et du café, il nous en donne un petit paquet, il habite à quatre km de la ville où il vient une à deux fois par jour. Ses chaussures n’ont plus de semelles. Nous nous cotisons pour qu’il aille s’en acheter de nouvelles. Il est heureux.
- un monsieur, j’ai oublié son nom, il pousse une brouette, le soir tard. C’est pour porter les bagages des touristes. Ce monsieur se dit libre penseur, pas anarchiste, mais libre penseur. Il nous parle de la France, de notre région à chacun, nous cite le nom et le numéro de nos départements !!! Sur sa brouette, un sac noir. Dans le sac un cahier. Dans le cahier des poèmes. Il est poète. Et tenez-vous bien il a écrit un poème sur Angers. Il n’est jamais venu en France, il en rêve, il se cultive.
Le dernier jour nous attendions Rafael et nous voyons passer un couple de Français accompagnés par notre rabatteur de la veille. Nous leurs signalons que nous avons été très déçus du resto. Nous discutons et finalement ils renoncent à y aller. Le rabatteur, évidemment mécontent mais pas agressif, n’a pas été content du tout de notre intervention. Nous ne nous sommes pas faits un copain. Mais que voulez-vous, il faut de temps en temps remettre les pendules à l’heure. Exploiter le touriste, ok, mais se foutre de sa gueule, ça non.
Commentaires textes : Écrire
Lire les commentaires textes
bon ta culture marine jean!!!!! on ramende un filet et on radoube un bateau;;;;