Delphinéa dans le vent des CaraÎbes
dernier retour à Cienfuegos
il descendait du bus |
Dernier retour à Cienfuegos
Arrivés à la marina, le douanier, qui nous aime bien, ne nous demande rien, normal, il n’en a rien à cirer et à vingt heures passées, aucune hiérarchie n’est dans le coin. Il ne fera même pas semblant de fouiller dans nos sacs.
Nous réservons pour samedi soir une table dans un resto typiquement cubain, le Polynésio, une table pour six personnes, Annie et Firmin nous accompagnerons. Petit tour avant au Palatinio pour un apéritif au milieu de quelques cubains dont nous avons faits connaissance grâce à Firmin. Nous entrons au Polynésio, mais personnes ne nous attend, c’est complet, pas possible d’ajouter une table. C’est Cuba.
Nous allons ailleurs, c’est dommage, mais le repas est tout de même vraiment correct. Nous souhaitions ensuite aller à l’Eden prendre un petit quelque chose et écouter de la musique. Chaque samedi soir, un orchestre vient y jouer. Sauf ce samedi là. Nous faisons choux blanc. C’est Cuba. Alors nous décidons d’aller prendre un digestif dans un grand hôtel à côté de la marina. A l’entrée on nous demande de payer deux CUC par tête parce qu’un groupe de danseurs doit se produire. Nous acceptons. Devant un verre de vieux rhum, nous attendons le spectacle qui n’aura pas lieu. Nous repartons. C’est Cuba. Tout faux pour la soirée. C’est la dernière avec Nadie et Gilles. Aujourd’hui dimanche, un dernier mojito à la Punta Gorda, retour à bord. Dernier repas, salade de riz bien fraiche, un petit verre de rosé. Les valises sont prêtes, dur de les sortir. Elles sont lourdes, pleines à craquer, beaucoup de souvenirs.
Le taxi est là, nous passons devant la douane, c’est notre copain, nous sommes dimanche, pas de hiérarchie en vue, il nous laisse passer sans même vouloir ouvrir. Sympa, on plaisante. Dur d’entasser tout cela dans le taxi, une fiat tipo. Mais ça tient en poussant un peu. Embrassades, adieu, nous n’aimons pas ça.
Edith et moi nous nous retrouvons seuls. Maintenant nous le resterons. Dorénavant nous sommes dans la case retour. Je cherche à régler mon fax météo pour obtenir les bonnes info. Pas de départ possible avant mercredi.
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cayo largo et punta moros
Cayo Largo et Punta Moros
Arriva ce qui devait arriver, nous sommes mercredi. Départ prévu dans l’après-midi pour nous permettre d’arriver de jour soit à Cayo Largo (80 miles), soit à l’île de la Juventud (200 miles). La veille nous avons enfin réussi, grâce à Firmin, à avoir une table au Polynesio. Ce sera notre dernier repas avec Annie et Firmin. En dégustant notre poulet « specialidad de la casa », nous pensons fort à Gilles, le cadre est superbe, c’est bon, une bonne ambiance. Je suis sûr que Gilles est en train de grogner dans son coin en lisant ces lignes. Nous avions évidemment pris un petit mojito au Palatino, chez Lazaro qui nous promet de nous contacter quand il viendra à Saint Nazaire dans le cadre du jumelage des deux villes. Nous rencontrons Alexi qui s’est pris d’amitié pour notre petit groupe de Français, et particulièrement pour Firmin qu’il appelle Papa. Quand il apprend que nous partons le lendemain, ce sont des grandes embrassades, pas de cinéma, une fois encore c’est vraiment le cœur qui parle.
Le matin démarches administratives, une simple formalité, le douanier dit que tout est correct, sans rien vouloir regarder du bateau. Nous sommes populaires, les douaniers ont toujours apprécié notre bonne humeur et notre acceptation de l’application du règlement local. Le bureau du port, oui il faut payer. Il oublie volontairement de compter les frais d’équipage, fait la facture en dollars US (1 CUC pour 1 USD).
Sur le quai, au moment de partir, Annie et Firmin, encore des embrassades, des promesses de se revoir à terre entre juin et octobre. C’est bien évidemment Firmin qui largue la dernière amarre. Encore des rencontres fortes. Nous pouvons déjà dire que ce voyage laissera des traces, personne n’a envie qu’on en reste là.
Nous sommes maintenant en mer, la sortie du chenal est derrière nous, le nouveau leurre que nous a amené Gilles suit le bateau, il plonge bien, mais pour l’instant après une demi-heure de pêche toujours rien. La nuit tombe, nous remontons la ligne. Oh surprise, accroché au leurre, un barracuda. La gueule du barracuda est plus petite que le leurre et pourtant il est accroché. Je le remonte sur la plage arrière, et le remets à l’eau, nous ne prenons pas le risque de manger un barracuda, même si celui-ci paraît jeune. Nous n’aurons pas de poisson pour ce soir.
Une nuit sans problème, comme d’habitude. Dans la journée nous mouillons à Cayo Largo. Plongeon immédiat, l’eau doit être à 23 ou 24 degrés. Inspection de la coque. Elle est couverte de coquillages ressemblant à du corail. Allez Jeannot, au boulot. Toute la surface est passée à la spatule pour décoller tous ces coquillages. Effectivement j’ai trouvé que nous n’allions pas très vite. Les parasites ôtés, un petit temps de récupération et préparation de l’annexe pour aller à terre. Ici tout est fait pour le touriste. Parasols de paille le long de la plage, bars, resto ….. Nous n’avons pas suivi le conseil de Firmin et de Raphael en allant manger gratos à l’hôtel Sol. Nous en sommes trop loin.
En tout cas sur cette petite île, sable blanc, forêt de palmier, quelques constructions discrètes, eau chaude, mer émeraude plein de grosses étoiles de mer posées paresseusement sur le sable par deux à trois mètres de fond, mais aucun poisson.
Le lendemain nous repartons. Cap vers la pointe la plus occidentale de Cuba. Il y aurait là une marina qui nous permettrait d’attendre la bonne météo pour contourner Cuba par le Nord et ainsi filer sur les Bahamas. Cette marina ne figure ni sur nos cartes, ni dans nos bouquins. Nous l’avons trouvée sur le guide Michelin, et d’autres Français nous en ont parlé, mais sans y avoir été. Pourtant sur les cartes figure un balisage. Enfin nous verrons bien en arrivant.
Nous remarquons de suite que les coquillages ont été enlevés. Nous filons bien un nœud de plus. Et puis dans l’après-midi, un thon. Petit certes, mais un thon quand même. Il ne se débat pas, c’est facile. Probablement un thon rouge, car sa chair, crue, est rouge. Notre repas du soir est assuré. Merci Gilles de nous avoir ramené des leurres. Deux jours et deux nuits en mer avant d’arriver à Punta Moros, juste au Nord du capo San Antonio. Le balisage indiqué sur ma carte n’est plus là. De la balise blanche et rouge « limite des eaux saines » il ne reste plus que le socle, difficile à voir, à comprendre et je dirais même dangereux, car ça dépasse de vingt centimètres. Presque invisible quoi. Nous avons cinq miles à faire dans des eaux d’environ cinq mètres, inutile de dire que nous prenons tout notre temps, les yeux sur la sonde et sur l’écran du calculo. Oui, la marina existe bien, enfin il s’agit juste d’une digue. Nous nous amarrons côté sous le vent. Ce n’est pas le luxe, mais nous avons l’eau, l’électricité et le fuel. Nous n’avons besoin de rien d’autre. L’électricité nous l’avons après l’intervention de l’électricien qui vient nous faire une connexion directe, par un domino. Un mec sympa, comme tous les cubains, qui en a marre du régime des Castro. C’est notre dernière escale à Cuba avant les Bahamas. Evidemment nous ne le disons à personne. Nous prétendons aller ensuite à Hemingway, le plus grand port de Cuba, à côté de La Havane, où nous sommes sensés faire la procédure de sortie. Nous ne la ferons pas.
Nous rencontrons ici deux jeunes Suisses, parlant assez bien le Français, nous sympathisons. Ils nous amènent à une plage dans leur auto de location en face de leur hôtel où il n’y a personne. Sur la plage nous nous faisons bouffer par les moustiques, tout petits, invisibles, mais piquants. Quand les moustiques n’ont plus soif, nos amis Suisses nous ramènent au bateau où nous prenons un mojito plutôt musclé.
La météo n’est pas claire, nous aimerions bien partir le lendemain matin, les pêcheurs nous disent que c’est bon pour demain. Mais il ne semble pas bien appréhender la vitesse d’un voilier et la direction du vent. Pour eux vingt nœuds est un vent fort. Comment ça, il vous faut deux jours pour aller à Hemingway ? Le matin du lendemain nous reprenons la météo. On attend un Nord-ouest, pourtant au même moment c’est du Sud ce qui est absolument fantastique. Nous décidons de rester. Soudain le ciel se couvre, grosse pluie, une heure après vent de Nord-ouest à 25 nœuds qui tiendra toute la journée. Si nous avons regretté de n’être pas partis à l’aube, nous sommes absolument ravis d’avoir pris cette décision deux heures après.
Nos petits Suisses viennent nous voir dans l’après-midi et nous proposent de nous emmener à Maria La Gorda, alors que normalement ils doivent aller à Vinales. Notre météo étant prévue Nord-est puis Est, nous acceptons avec plaisir, car nous sommes coincés ici où il n’y a vraiment rien.
Maria La Gorda, traduction en français, Maria la grosse. A l’époque qui va bien, des pirates ont capturé Maria et l’ont laissée à cet endroit absolument désertique, inhabité. Les pirates partis, Maria se retrouve seule, n’a rien à faire, alors elle mange, mange, mange. Quand les pirates reviennent, plusieurs mois après, ils retrouvent Maria devenue énorme. C’est à cet endroit là que nous allons. Nous dirons plutôt que nous souhaitions aller, car au moment de partir, nous qualifions notre possibilité de retour. C’est bon, nous avons une solution. Alors nous réservons une chambre à l’unique hôtel du coin. Surprise, il est complet, et il n’y a rien d’autre dans les parages. Alors nous annulons ce petit tour, nos petits Suisses repartent sur Vinales. Au revoir, adieu.
La météo est presque bonne nous décidons de partir demain 1er avril, ce n’est pas une plaisanterie. Nous faisons une dernière partie de babyfoot au bar. Il est installé en plein air, les joueurs sont montés à l’envers, mais pas beaucoup d’importance, ça nous amuse, même qu’Edith a gagné deux parties !! Ce soir nous dépenserons nos derniers CUC. Nous avons été voir le restaurateur, nous lui avons donné tout ce qui nous reste et lui avons demandé de nous faire à manger pour cette somme là. Ce sera du poulet grillé et frites, nous amènerons notre vin et lui proposerons de le partager avec lui. Un hautes côtes de Beaune 2.003. Hervé, le vigneron solitaire, tu te souviens, c’est celui qui pétille un peu, alors nous l’aérerons bien avant de l’amener.
Finalement nous ne sommes pas partis. L’Est annoncé est plutôt franchement Nord-est. Nous restons donc une journée à glander, rien à faire. Une caisse à boulons accoste le matin tôt, pavillon cubain. Le port attend une huile locale, elle est peut-être à bord. En allant faire notre partie de babyfoot, nous voyons les mecs du bateau, ce ne sont pas eux les huiles. Ils disent être mexicains et venir de Cancun. Alors pourquoi un pavillon cubain ? Mais c’est le pavillon de courtoisie, voyons ! Curieux. Petite discussion habituelle, t’es d’où ? Tu vas où ? T’es parti quand ? Eux disent repartir demain matin pour Cancun. Encore curieux. Le soir, après le départ des huiles, après la tombée de la nuit, deux caisses de quelque chose sont amenées à bord. Le contenu des caisses est vidé à l’endroit où les sièges extérieurs ont été démontés. Toujours curieux. Dans la nuit je suis réveillé, je vais jeter un cil dehors car le courant a été coupé. Ils sont en train de partir et ils ont hissé un pavillon britannique sur fond bleu. De plus en plus curieux. Ils ne me disent ni bonjour, ni au revoir, départ discret. Visiblement pas claire du tout cette histoire. Y a-t-il un lien avec la visite de l’huile ? Serait-ce un trafic à la Castro ? Mais que vais-je encore chercher ? Ils vont faire une longue traversée, 120 miles, ils vont mettre six heures. Il leur faut de la farine pour faire le pain !!
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au revoir Cuba
le port de Hemingway ? |
Au revoir Cuba
La météo prévoit deux jours de vent de Sud-est force trois. Enfin nous pouvons partir, ce sera juste, mais nous partons. Voiles hissées, un ris, près bon plein, cap au Nord, nous filons cinq à six nœuds avec un vent d’Est dans des eaux de cinq à huit mètres. La ligne est à l’eau, mais j’ai eu la flemme de monter le leurre du matin. En tout cas le barracuda que nous avons pris ne devait pas connaître l’heure. C’était un gros, nous l’avons remis à l’eau. Oui, je n’ai pas tout dit. Gilles, pour me rendre service, est allé acheter deux leurres chez un marchand, un spécialiste. Il lui a raconté que le leurre bleu marchait bien le matin et le leurre jaune l’après midi. Je suis sûr qu’il en rigole encore. Dans l’après-midi, nouvelle alerte. Là c’est du gros. J’arrive à l’amener à dix mètres du bateau. Un beau thon. Dès que je l’ai sorti de ses profondeurs, un coup de queue, et au revoir la compagnie. Fil cassé !! Il est parti avec le leurre, l’émerillon le bas de ligne en acier. Merde, merde, merde. Mais comment donc faut-il faire ?? Après une pause je remets l’autre leurre, celui du matin, le bleu, mais j’ajoute dix mètres de fil tissé résistant à 80 kilos. Le seul pb est qu’il ne passera dans les œillets de la canne. Alors je le prendrais à la main pour les derniers mètres, si toutefois nous avons la chance d’en avoir l’occasion.
Ce fut une mauvaise journée. Mal commencée d’abord. A peine sortis du chenal de Punta Moros, en entreprenant la très délicate manœuvre du hissage de la grand voile, un coup vent ou un coup de tête malheureux me fait envoler ma casquette. Ensuite ce fut la perte du leurre. En fin de journée, en contournant l’annexe encordée sur le pont arrière, je heurte une pagaie qui prend le vent et part à la mer. Une explication à tout cela, c’était un vendredi. On ne part pas un vendredi. Tiens, d’où vient donc cette superstition ? Si quelqu’un connaît la réponse, je serais très heureux de la connaître.
Cuba c’est fini, Cuba est derrière nous, nous sommes à la limite des eaux US et cubaines. Nous sommes contents de quitter ce pays dans lequel nous sommes restés deux mois. Un petit point, une analyse s’imposent. Je vais donc donner mon avis personnel, qui n’engage que moi, et je ne prétends pas connaître LA vérité.
Cuba semble être un pays riche peuplé de pauvres. Avant la révolution castriste, il y avait beaucoup de riches et beaucoup de pauvres. Maintenant il y a moins de riches, mais plus de pauvres (that’s only a joke, friends). Les Castro ont le pouvoir dans le seul but de s’enrichir. Leur pays, leur peuple, ils s’en balancent. Tout est organisé par eux. Tout est fait pour éviter l’enrichissement personnel. Un exemple. Les casa particulares. Il est interdit, pour un particulier, de louer plus de deux chambres. Ces particuliers sont fortement taxés. A qui va l’argent ? Aux Castro. La population est terrorisée par le pouvoir et sa répression. Un individu a toujours peur de se faire prendre. Lorsqu’un cubain négocie quelque chose avec un étranger dans la rue, il a toujours un copain qui fait le guet. Exemple les taxis non officiels. Un possesseur de voiture propose ses services aux touristes, cela va directement dans sa poche, pas chez les Castro. Mais là où on comprend mal, c’est que tous ces possesseurs de voitures sont devant les gares routières et alpaguent le touriste qui va se renseigner pour les bus. Quand je disais tout à l’heure qu’il y a beaucoup de pauvres à Cuba, c’est bien sûr vrai. Mais il y a aussi des gens qui ont beaucoup d’argent. Ceux qui ont affaire aux touristes. Le seul pb c’est qu’ils ne peuvent pas dépenser leurs sous. Ils le cachent sous le matelas en attendant des jours meilleurs.
Le pays lui-même est dans délabré. Toutes leurs richesses historiques, leurs belles maisons colorées ne sont plus entretenues depuis des décennies. Depuis le départ des soviétiques au début des 80 ? Des travaux commencés par les russes et non finis au moment de leur départ, n’ont pas été terminés. Leur médecine, pourtant si réputée, est laissée en l’état des années 80. J’ai pour connaissance que Castro serait à la tête de la sixième ou septième fortune mondiale. Cette info m’a été confirmée par des amis, marins, rencontrés ici. Si quelqu’un sait qualifier cette info, nous sommes très intéressés, juste pour notre culture.
Mais Cuba c’est aussi sa population ses gens, ses Cubains d’une très grande gentillesse. Des gens chaleureux. Heureux de rencontrer des étrangers, voulant tout partager avec eux. Ils savent qu’ils sont brimés, verrouillés, ils sont soumis. Combien de temps cela durera-t’il encore ?
Rebonjour Cuba
Depuis quelques heures nous cherchons à tourner le cap Sud de la Floride. Le Golfstream nous pousse, mais le vent de Nord-est est dans le pif. La mer est lourde, hachée, désordonnée. Tout le monde souffre, Delphinéa et son équipage. Dans l’après-midi, après une lutte acharnée, nous décidons de retourner sur Cuba, à Hemingway. Nous sommes pourtant tout près des côtes de Floride. Mais cet endroit est une zone militaire et l’accès en est interdit. Paranoïa américaine face à Cuba.
Nous sommes à quarante miles de Hemingway. Nous faisons cap dessus. Mais avec ce vent de 25 à 30 nœuds au grand largue, nous allons beaucoup trop vite, nous voulons arriver de jour. Donc un mouchoir de poche devant, nous filons deux à trois nœuds et arrivons à destination vers huit heures le matin.
Les formalités sont un peu différentes que dans les autres ports. Ils font chier. Peu de sourires. Ils sortent les balises de sécurité et de repérage, alors qu’ils étaient sous scellés !! Nous demandons deux semaines d’extension de visa pour attendre la météo qui va bien. Pour nous emmerder, la bonne femme, un remède contre l’amour, de l’immigration nous accorde dix jours moyennant 25 CUC chacun et nous devons aller acheter des timbres fiscaux dans une banque. Mais la banque locale n’en délivre pas. Nous ne sommes de retour qu’en début d’après-midi. Ouf l’aspect administratif est réglé.
Nous rencontrons Barbara et Thierry, le couple Suisse, sur le bateau voisin du notre. On discute, on galèje, le courant commence à passer. Venez donc boire un verre à bord de Cérès. Nous, toujours d’accord. Nous parlons de Cuba, de mer, nous avons le même problème, chercher à rejoindre Nassau aux Bahamas. Le courant passe si bien que nous décidons de faire route ensemble. Nous étudions la météo, il semblerait que dans deux jours nous ayons une fenêtre favorable. Le lendemain matin, nous confirmons, le soir apéritif et diner à bord de Delphinéa. Nous décidons effectivement de partir demain.
La nuit se passe, point météo, à l’aube, défavorable !! Nous avons visiblement les mêmes approches de la navigation. Alors nous attendrons. Nous en sommes là. Encore à Cuba. Alors on tue le temps en vaquant de gauche et de droite. Toutes les deux heures nous faisons un point météo, ça ne sert à rien, car la fréquence des mises à jour est de douze heures. Il semblerait que demain matin ce soit bon pour partir.
Adieu Cuba
Nous réglons la note du port et informons les autorités que nous partirons demain matin à six heures. Nous dépensons nos derniers CUC dans un petit resto, nous sommes une tablée de sept personnes, tous des marins francophones.
Nous nous pointons à six heures et demie devant le quai administratif, où nous devons avoir la visite du harbour master, de l’immigration et de la douane. Evidemment personne n’est là, il faut attendre. Enfin nous avons récupéré le matériel « confisqué » de signalisation. Il est sept heures et demie, nous larguons la dernière amarre. Nous avons déclaré, plus par jeu qu’autre chose, aller à Varadero pour éviter les formalités de sortie du territoire cubain. Cérès nous suit à un quart d’heure. Voiles hissées, très rapidement nous filons à six nœuds, le vent nous est favorable. Nous devons faire une moyenne de six nœuds pour arriver à West End, au Nord-ouest des Bahamas sans avoir trop de vent dans le pif à l’arrivée, car il est prévu tourner ce bougre. Puis sept à huit nœuds au près serré, sans doute un courant favorable que nous n’avions pas prévu.
Brutalement, plus de vent, plus de courant, Babar prend le relai. Puis vent dans le pif. C’était prévu, nous approchons du Golfstream, vent contre courant, la mer est lourde et hachée, c’est ce que nous avions déjà eu à la première tentative de départ, mais là le vent est nettement moins fort. Cérès arrive à utiliser le vent et le courant, nous n’y arrivons pas et nous traînons à moins de six nœuds alors que Cérès est à sept nœuds. Au loin, droit devant un bateau, veille attentive, il faut éviter la collision. Mais il vient droit sur nous. Oh un garde-côte. Cubain ou US ? Il tourne autour de Delphinéa, pour l’identifier, puis s’en va. C’est un garde-côte US. Nous préférons. Nous le saluons, tout va bien. Mais cela veut dire que nous sommes dorénavant dans les eaux des Etats-Unis. Cuba c’est fini, les tracasseries administratives, l’emprise de l’état sur tout, le surveillant qui surveille le surveillant c’est fini. Nous en aurons sûrement d’autres des tracasseries, mais là nous commençons à en avoir un petit peu assez. Plus tard dans l’après midi, une petite hirondelle vient se poser sur la filière pour se reposer, elle y restera une heure ou deux, peut-être plus. Des moments comme ça réchauffent le cœur. Dans la nuit nous touchons un peu de vent favorable, rehissons les voiles, laissons Babar se reposer, et là, oh surprise sept nœuds, une heure après huit nœuds. Toute la nuit nous avons filé huit à neuf nœuds. Extraordinaire. Nous avons terminé la nuit entre neuf et dix nœuds. Du jamais vu à bord de Delphinéa. Le Golfstream, dans le détroit de Floride (entre la Floride et les Bahamas), est un courant puissant du Sud vers le Nord entre deux et quatre nœuds. Une branche du Golfstream entre dans la mer des Caraïbes par le sud des Antilles et il faut bien qu’il ressorte quelque part pour aller vivre sa vie dans le Nord. Le seul passage c’est entre Cuba, la Floride et les Bahamas.
bahamas
Arrivée à Nassau |
Bahamas
Finalement, arrivés au Nord de Bimini, le vent nous est favorable, le front froid a quatre heures de retard, donc le vent d’Est aussi, alors nous prenons la décision d’aller directement sur Nassau. Nous ne savons pas où est Cérès, il est hors de portée de la VHF. Peut-être a-t’il pris la même option, peut-être pas. Nous le saurons à l’arrivée, si toutefois nous arrivons. Sait-on jamais.
Dans le ciel du soir, nous voyons s’accumonceler des masses couleur de baraque, aux Bahamas. Le soleil disparaît, les étoiles apparaissent, nous surveillons le ciel. Les étoiles brillent toujours au dessus de nos têtes, les masses noires restent pour l’instant au dessus de la Floride. Par ci par là les nuages s’illuminent. Jupiter est en colère, il n’arrête pas de roter tandis que ses yeux lancent des éclats. La quantité d’étoiles diminue, bientôt nous n’en aurons plus. Alors par prudence, nous prenons deux ris dans la grand voile car le vent commence à monter. L’opération terminée, quelques goutes de pluie et plus aucun souffle d’air. Il s’est produit l’effet tout à fait inverse. L’orage, au désespoir, est maintenant juste sur nous, le ciel s’illumine tout autour de nous. Le vent passe du Sud au Nord, il n’est pas violent, tant mieux. Les nuages déversent leur trop plein à seau sur Delphinéa. Nous bouclons tout. Nous ne voyons pas à cent mètres, j’espère qu’il n’y a personne devant. Une heure après, tout est rentré dans l’ordre, nous avons retrouvé notre vent de Sud, le front froid est passé.
Le lendemain soir nous sommes en vue de Nassau que nous atteignons à la nuit tombante. Ville américaine, grands immeubles, quatre énormes bateaux « croisière Costa ». Appel à la VHF vers une marina dont nous avions le nom, personne ne répond. La nuit est là, nous mouillons en face des marinas, l’ancre ne tient pas, fort courant, surpris. Nous retournons à l’entrée de la baie, pour mouiller sur du sable, ça tient. Après une nuit de repos mérité, nous cherchons à aller à terre pour trouver une marina, faire les formalités d’entrée et en approchant d’un débarcadère nous apercevons un bateau acier, bleu avec des étoiles blanches peintes à l’avant. Mais c’est Taravana. Je pense que nous étions faits pour nous revoir, car jamais, sans ce hasard, nous ne l’aurions trouvé là. Quelle joie de se retrouver. Des élans purs nous jettent dans les bras des uns et des autres. Nous négocions avec la marina le seul emplacement qui reste disponible, juste en face de Taravana. Il n’y a pas beaucoup d’eau, mais même à marée basse l’expérience nous a montré que nous ne touchons pas. A mon avis, il ne doit pas rester beaucoup d’eau sous la quille.
Heureux de nous revoir, le soir même, diner à bord de Delphinéa. Au menu un cassoulet arrosé d’un Médoc. Le lendemain diner à bord de Taravana, au menu un gratin de poisson pêché par René. Maintenant nous prenons contact avec la vie locale. Tout est américain. Le règne du roi dollar. Tout se paye, la monnaie locale est le dollar bahamien à parité égale avec le dollar américain. Il est indifférent d’utiliser des dollars américains ou bahamiens, à tel point que lorsque nous avons cherché des sous à la banque nous avons reçu des pièces américaines.
René doit recoudre ses bandes anti UV dont les coutures d’origine commencent à rendre l’âme. Il a acheté une grosse machine pour cela et c’est la première fois qu’il l’utilise. C’est du sport. Le fil n’arrête pas de se casser, il est pourtant solide, un fil qu’on ne peut pas casser à la main. Il a fallu une journée de patience, mais l’opération est réussie.
Edith et moi nous nous décidons d’aller faire un tour à terre, je ter un coup d’œil à Nassau. Le centre ville se trouve là où les gros « Costa » arrivent. Alors la première chose qu’on voit, quelques flics en magnifique uniforme blanc et noir, du grand standing. Puis des joailleries, je ne sais pas si c’est cher ou pas, c’est beau, les grandes marques, type Cartier, voisinent les bijoux sans nom. Ce sont les premières boutiques que les viandes américaines vomies par les « Costa » aperçoivent. Ils croient sans doute que c’est très couleur locale.
Au hasard de nos pas, nous entrons dans une sorte de souk. Nous y voyons un capharnaüm de choses inutiles que les touristes croient être faites par le grand père où la grand-mère. C’est peut-être vrai, mais alors les vendeurs ont des racines chinoises. Puis nous décidons de quitter ce quartier et de nous enfoncer là où vivent les bahamiens. Nous avons envie de couleur locale. Un quartier où la richesse ne transpire pas, quelques maisons délabrées, mais d’autres jolies, fleuries, sans luxe. Nous sommes abordés par un mec du pays qui veut nous montrer les costumes de carnaval que fait son copain. Puis il cherche à nous montrer des carrosses de carnaval décorés avec des têtes caricaturées sans doute connues ici, mais pas de nous. Nous avons du mal à nous défaire de se brave gars, qui en fait voulait des sous pour l’organisation de sa visite. Nous nous enfonçons dans le quartier populaire, une dame nous court après. Nous nous demandons ce qu’elle veut nous vendre où nous extorquer. Mais pas du tout. Elle nous suggère finement de ne pas aller plus avant dans ce quartier qui est plutôt mal famé. Nous l’écoutons, un peu à regret, et rejoignons les coins pour touristes.
Les enfants de René et Josy sont arrivés, les titous sont ravis de voir les grands parents. Quelques courses, et c’est le départ pour les îles Berry. Pour nous autres berrichons, c’était indispensable de voir ces îles là. Une navigation de 55 miles mais nous devons faire une escale, car impossible d’arriver de nuit à l’endroit prévu. Nous avons largué les amarres au levé du jour, un vent de dix à quinze nœuds par trois quart arrière rend la manœuvre quelque peu délicate, mais finalement tout s’est bien passé. Navigation cool, un doux zéphyr de Sud-est s’est établi. Nos bateaux glissent majestueusement sur une belle mer. Taravana est à quelques encablures de Delphinéa. Tout le monde rêvasse. Didith voyant Taravana se rapprocher sur notre arrière en profite pour prendre quelques photos. Mais c’est qu’elle a bien failli prendre une photo de la collision. Il s’en est fallu de peu. Enfin ancrage. L’eau est émeraude, peu profonde, claire transparente. Le soir, bœuf bourguignon à bord de Delphinéa. Une nuit une légère brise se lève puis très vite forcit pour atteindre, d’après l’anémomètre de Taravana, 55 nœuds, sous une pluie battante. Impossible de voir quoi que ce soit, impossible d’ouvrir les yeux face au vent. Chacun de son côté a trouvé que l’autre avait chassé car les deux bateaux se sont retrouvés très proche. Inquiétude. Cette folie douce a duré environ une heure. Un gros grain. Soudain le calme plat, plus rien. En fait aucun des deux bateaux n’a chassé. Nous étions mouillés par trois mètres d’eau avec trente mètres de chaine. Nous avons retrouvé nos ancres complètement ensablées, verge incluse. René part avec ses petits à la chasse, ils ramèneront neuf poissons, un par personne. Bon chasseur ce René. Edith et moi allons sur la plus petite des îles en annexe. Interpelés par le « boss » local, nous obtenons l’autorisation de nous promener dans son domaine. Nous découvrons toutes les installations faites pour le touriste des croisières. Ce n’est pas mal fait, artificiel certes, mais des petites maisons en bois peintes essentiellement en vert, orange et jaune. Au bord de mer, une grande quantité de mouettes rieuses qui jacassent, se raconte des histoires, se moquent sans doute des touristes et se fendent la gueule. Il y a tellement peu d’eau qu’à vingt mètres du bord, elles ont encore pied. Au gré de nos détours, une rencontre insolite, un paon. Il n’est pas farouche, il est gras, on dirait même plutôt apprivoisé.
Le lendemain, nous partons faire un tour en annexe. La mer est plate, l’eau est transparente sur un sable jaune, le soleil donne à plein. Une grosse masse noire au fond. Sans doute un rocher. Mais non, un rocher ne se déplace pas, il s’agit d’une raie, nous la suivons par cinquante centimètres d’eau, l’annexe ne l’affole pas outre mesure, elle vole dans l’eau. Nous débarquons sur une petite plage de l’autre île, palmes, masque et tuba. L’eau est chaude, agréable. Des poissons multicolores vont et viennent. Ont-ils vraiment un but ? Pourquoi tournent-ils soudain à gauche alors que rien ne le laissait présager ? Des gorgones marron et améthyste ondulent au gré des vagues. Un spectacle féérique.
Chaque repas, René ramène pour la communauté la quantité de poissons adéquate. Les petites îles aux alentours sont en fait privées et appartiennent aux sociétés de croisière qui déversent chaque jour leurs deux mille paquets de viande américaine qui ont payé pour s’amuser. Même qu’un midi, nous nous sommes mêlés à la foule et avons mangé à l’œil. Pas terrible, c’est américain, c’est pas du haut de gamme. Les pélandrons qui sont là semblent s’ennuyer copieusement, mais semblent aussi contents. Paradoxal. Américain. Nos pas nous amènent au milieu de l’île, elle appartient à une société de croisière norvégienne. Nous découvrons quelques bâtiments laissé à l’abandon où la végétation reprend ses droits. Un phare qui ne fonctionne plus, pourtant il est marqué sur les cartes !! Un aéroport a existé un jour, il ne reste que quelques pancartes, les pistes ont été reprises par la végétation et seules les mouettes utilisent ce qu’il reste.
Juliette, la maman des titous, doit repartir le 24 avril, nous rentrons le 23 à Nassau, à la même marina, à la même place, c’était négocié avant notre départ. Sur la route du retour René pêche deux barracudas qu’il rejette à l’eau et nous un waouh d’une soixantaine de centimètres, puis un deuxième qui n’a pas eu envie de monter à bord et s’est décroché juste en arrivant sur la jupe arrière.
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les machines à sous du casino |
Les grands immeubles, un peu particuliers, que nous avions vus en arrivant, font partie d’un hôtel qui est situé sur une petite île à 500 mètres de Nassau. Avant le départ de Juliette nous allons tous y faire un tour. Tout y est artificiel, c’est bien fait, mais vraiment artificiel. Des yachts de luxe y sont amarrés, un peu comme à Antigua. Même que sur l’un deux on peut voir une voiture sur le pont supérieur. Des joailleries en masse, des boutiques pour consommation. Au hasard de la rue principale, un banc en forme d’ « ice cream » qui coule. Tout respire le luxe, la volupté, mais pas le calme, ça nous change vraiment de Cuba, mais cela laisse présager comment risque d’être Cuba après le règne des Castro.
Nous entrons par le casino. Des machines à sous en pagaille, des centaines de machines. Quelques gugusses tentent leur chance et nourrissent les investisseurs. Des tables de roulette, de poker et d’autres jeux que je ne connais pas. Quand le croupier est une fille, il y a moins de monde à la table. Allez donc savoir pourquoi. Il est vrai qu’elles sont plutôt taillées en forme de poteau électrique et sans aucun décolleté. Ma Didith préférée a fortement envie d’aller tenter sa chance. J’arrive à la persuader que la plus grande chance qu’elle a, est d’être à bord de Delphinéa en ma compagnie. Cette fois ça a marché. Tiendra-t’elle encore longtemps ? Moi, Didith, je réponds « non ».
Après avoir traversé le casino, nous arrivons à l’aquarium, c’était notre but. Par cet itinéraire, nous entrons sans payer, c’était calculé, une astuce made in René. Résultat, neuf entrées à l’œil. Aquarium gigantesque, grandes variétés de poissons et habitants de la mer. Bien plus important que celui de Lisbonne, qui déjà nous avait impressionnés. Beaucoup de variétés de requins. Marteau, scie …. Nous avons failli les inviter à bord pour bricoler. Il nous a fallu toute l’après-midi pour visiter tout cela. Le soir nous sommes tous un peu flagada, petite croute chacun chez soi et gros dodo.
Hier soir diner à bord de Delphinéa tous ensemble, tartiflette préparée par Josy. La veille c’était cuisses de poulet au barbecue à bord de Taravana. C’est sympa, ça fait chaud au cœur, mais c’est quand même dur la vie de plaisancier.
Ce matin, les Titous sont repartis, Josy et René vont se retrouver seuls à bord. Maintenant il nous reste à préparer les bateaux pour les Bermudes. René aura bien plus de boulot, car sa préparation à lui concerne le Québec. Ce n’est pas du tout pareil. En tout cas, nous sommes dans la case départ imminent et nous ferons route ensemble jusqu’aux Bermudes.
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le marin ayant traditionnellement sa paye le jeudi . le vendredi il etait un peu vaseux.... il y en a d autres...
jean ta culture!!!!
Bisous les aventuriers. Vendredi c'est le compagnon de robinson sur son ile...celui qu'il sauva du sacrifice des indiens...alors ne sacrifiez pas édith s'il faut lacher du lest par manque de vent. tout ceci pour dire que l'on suit assiduement le blog. en ce qui me concerne après la galère (c'est un jeu de mots quand on parle de bateaux) en attendant de trouver un boulot "stable" je fais des travaux chez les particuliers; ça m'occupe et ça permet de mettre du beurre dans les épinards. La Janvraie s'est réveillée du rude hiver que l'on a eu. Pissenlis, paquerettes, jonquilles ,narcisses,iris et bien d'autres...c'est superbe de couleurs. on revit. nous pensons bien a vous. a bientot. Didier Chantal